INTERVIEW | Jean-Frédéric Blayn, Président du Groupe Agiloe livre son point de vue au sujet des impacts de la crise du Covid-19 sur le secteur de la construction immobilière.
Dans le contexte de crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19, quelle a été la réaction des acteurs de l’immobilier et de la construction ?
JFB : La pandémie du Covid-19 a donné un coup d’arrêt brutal à de nombreuses activités économiques dans le monde entier. En France, depuis les annonces du Président de la République de l’installation d’un confinement de la population, de nombreux professionnels ont été contraints de rester à leur domicile. Télétravail, garde d’enfants, chômage partiel… les entreprises ont perdu toute visibilité. Le secteur de l’immobilier n’a pas été épargné par la crise, bien au contraire. Dans l’urgence, la plupart des maîtres d’ouvrage ont stoppé les chantiers en attendant d’y voir plus clair. Et à juste titre ; tous ont pris leurs responsabilités pour préserver la santé de leurs employés et éviter tout risque de propagation du virus.
Alors que nous entamons la huitième semaine de confinement, où en est-on aujourd’hui ?
JFB : De profondes réflexions et parfois même des tensions de tout le secteur apportent aujourd’hui un recul salutaire pour mettre en place le redémarrage des chantiers, dans le respect le plus strict des gestes barrières. L’OPPBTP, notamment, a publié un « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction » sur lequel se sont mis d’accord les grandes fédérations patronales du secteur et le gouvernement. Il liste les bonnes pratiques de travail indispensables pour assurer la sécurité sanitaire sur les chantiers. La maîtrise d’ouvrage et les entreprises en présence des maîtres d’œuvre, OPC et Coordonnateur SPS doivent rapidement entamer un processus de dialogue collectif nécessaire à la reprise des activités. Il faut mettre à jour le PGC (le document qui liste déjà les mesures destinées à préserver la santé des travailleurs) ainsi que le PIC (plan d’installation de chantier). C’est pour répondre à toutes ces précautions qu’un référent Covid-19 doit être nommé dans chaque société impliquée dans un chantier de construction.
Ce guide est-il suffisant ?
JFB : Il apporte la visibilité qu’il manquait pour rassurer les acteurs et rendre possible un redémarrage. Mais ce n’est pas simple et les acteurs doivent être bien conseillés. Il faut une organisation fine, des méthodes, du matériel, ajuster le planning, trouver des solutions aux problèmes… Plus que jamais les maîtres d’ouvrage ont besoin d’une relation de confiance, humaine et empathique, d’un appui à la hauteur des enjeux. Toute l’année auprès de nos clients, notre métier est d’organiser et faciliter la conduite de projets immobiliers, dans des environnements [stratégique, réglementaire, économique, technique] toujours plus mouvants. Notre métier en temps de crise n’a pas changé. Nous continuons d’accompagner les maîtres d’ouvrage dans le succès de leur projet, faire face à la situation particulière et mener la musique comme le fait un chef d’orchestre alors que le tempo dans le contexte du Covid demande la plus grande technique.
Qu’est-ce qui fera la différence ?
JFB : L’enjeu n’est pas seulement de faire face aux difficultés que nous connaissons en attendant que tout redevienne comme avant. La plupart du temps, notre rôle d’assistant à la maîtrise d’ouvrage vise à piloter la performance avec en ligne de mire le triptyque coûts/qualité/délais. Dans ce nouveau contexte et pour maîtriser durablement le risque sanitaire, nous avons un rôle déterminant à jouer auprès de nos clients car l’enjeu c’est aussi que toute la profession s’en sorte par le haut. Nous pensons qu’il est capital d’instaurer une gestion intelligente des projets : dans le temps, dans l’espace, dans les responsabilités et enfin dans les échanges qu’ils soient physiques ou non. Cette gestion intelligente devra assurer une coactivité « safe » de tous les acteurs sur le chantier. Le rôle de l’OPC doit être renforcé. Les approvisionnements devront également faire l’objet d’une gestion efficiente, de même que les interfaces entre les entreprises. Si les réunions physiques sont limitées, les échanges digitalisés seront renforcés : visioconférences, gestion électronique des documents, communication de projets collaboratifs. Les outils existent déjà : il faut généraliser les pratiques !
Dès aujourd’hui, j’invite tous les maîtres d’ouvrage à engager le dialogue sur leurs projets, désamorcer au plus vite les éventuels contentieux quant aux surcoûts des chantiers. Il va falloir redémarrer les chantiers puis les accélérer !
Et l’avenir, vous le voyez comment ?
JFB : Nous tâchons de toujours garder une vision dégagée et d’imaginer à quel point cela va impacter durablement les pratiques sociales et sociétales. Nul ne peut prédire quelle sera l’issue de cette crise mais le marché ne sera évidemment plus tout à fait le même après. Toutes les crises semblent précéder un renouveau dans nos modèles de développement économique, a fortiori dans le secteur de l’immobilier. Notre rapport à l’entreprise, nos lieux de travail, nos modes de déplacements, nos moyens de communication, nos critères de logement… la rupture, telle qu’elle semble se dessiner, sera avant tout sociétale. L’immobilier devra répondre à ces nouveaux usages, comme il le fait toujours. Nous vivons dans une société en mouvement. La réversibilité des bâtiments s’est d’ailleurs développée dans ce sens. Mais on ne peut s’empêcher de penser que cette crise a quelque chose de nouveau, à décrypter. Un beau sujet de R&D.
Jean-Frédéric Blayn
Président du Groupe Agiloe
Diplômé ESTP, Jean-Frédéric Blayn dirige le groupe Agiloe qui rassemble trois sociétés aux métiers très complémentaires :
- Auris | Conseil & conduite de projets immobiliers
- Synapse Construction | Ingénierie du bâtiment
- Citti | Architecture & design d’intérieur
Le groupe intervient ainsi dans tous les domaines de la construction et rénovation de bâtiments.
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